L'esprit du festival
Le réseau Poésie
L’Ouest de la Suisse possède un formidable réseau poétique, qui se mobilise pour réaliser un festival et divers événements tout au long de l’année. Pendant une quinzaine de jours, au mois de mars, des dizaines de partenaires organisent entre 80 et 100 événements, pour transformer la Suisse en une scène ouverte de poésie. Derrière ces chiffres impressionnants se cachent des personnes passionnées, sensibles, engagées. Qui aurait pu croire en 2015 que plus de 500 acteurs uniraient leurs forces et leurs compétences chaque printemps, pour que la poésie devienne accessible à un plus large public ? Les plus grandes institutions académiques ou culturelles, comme les petites associations, ont joint leurs événements dans un même élan. Propulsé par l’Université de Lausanne, le Printemps de la poésie est plus qu’un festival, c’est un symbole de vitalité et du rayonnement d’une Suisse ouverte, plurielle, numérique, démocratique.
L’extension du réseau : la vallée lyrique
Par-delà le festival, le réseau se voit dans le territoire comme dans une « vallée lyrique », dans laquelle ses habitants ont des expériences fortes de la poésie. Que ce soit par la redécouverte du patrimoine poétique, par l’intensité du réseau vivant ou par les innovations, cette Vallée lyrique valorise le rôle de la poésie dans un bassin culturel et économique d’exception. La Suisse romande déploie depuis 2019 sa force poétique en Lyrical Valley, non sans un sourire narquois face à la puissante Silicon Valley et aux pensées transhumanistes, pour souligner des valeurs ancrées et sensibles qui participent au bien-être ou à l’envie de croître ensemble dans un écosystème culturel harmonieux. La poésie est un symbole marquant des liens à la langue, à l’histoire, au corps, aux différentes cultures du monde, à l’adaptation face aux défis du numérique, aux innovations, au sentiment de satellisation.
Un territoire mondialement connecté
Après dix ans, le réseau d’acteurs, qui synchronise ceux qui agissent en poésie, est devenu un ensemble qui produit quelque chose de plus important que la somme des individus. Il permet de montrer les forces poétiques selon un modèle d’organisation qui va par-delà la seule reconnaissance des poètes ou le seul rayonnement de ses éditeurs. Plusieurs institutions développaient déjà des liens internationaux sur différents plans. Désormais, il est possible de souligner la place importante de ce territoire poétique dans les échanges poétiques. Ce désir d’étendre ce modèle associe les forces multiples dans une dynamique. Il se met au service de la poésie du monde entier, tout en étant conscient de son ancrage, de son sol et de son goût pour explorer les horizons à venir.
Pour une écologie des organisations poétiques
Le Printemps de la poésie réunit des énergies qui ne trouvent pas forcément dans les capitales littéraires, centrées sur les rivalités.
Il entre désormais dans une nouvelle phase à parti de dix critères :
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Collecter les données du terrain, des territoires (par un observatoire poétique) : mieux connaître les réseaux poétiques des bassins-versants (cartographie)
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Intéresser et synchroniser les acteurs (mettre en réseau, festivals, anthologies, collections, manifestations, archives)
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Redistribuer la reconnaissance et articuler les luttes pour celle-ci (poésie littéraire, poésies populaires, chansons, multimédia)
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Mutualiser les ressources (communication, coordination, événement)
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Organiser des tournées et des projets avec différentes institutions
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Articuler les échelles (locales, bassins-versants, nationales, internationales) : mise en évidence des réseaux internationaux à partir du local
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Fonctionner par logiques transnationales à partir des réseaux : identités multiples, choisies, subies ; les attachements
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Apprendre la sobriété, à réduire, ralentir (production, déplacement, archivage)
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Mobiliser les acteurs et les publics sur ces questions
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Distribuer les fonds publics ou les phénomènes d’attention en tenant compte de ces critères
Ces forces unies soulignent que la poésie peut appartenir à tous et toutes, et qu’elle peut jouer un rôle déterminant face aux défis de notre époque.
Antonio Rodriguez
Directeur artistique et scientifique du festival